Advocacie

Les prochaines lignes sur l’advocacie sont parues sur le blog Career guidance for social justice. Ce texte a été co-écrit avec Julie Chabot dans le cadre de mes études doctorales.

Bonne lecture !

Un exercice de partenariat innovant entre personnes professionnelles et universitaires ainsi que leur ordre professionnel pour soutenir les actions -d’advocacie- des conseillers et conseillères d’orientation du Québec

Depuis plusieurs années, les personnes conseillères d’orientation (c.o.) du Québec rapportent auprès de leur ordre professionnel des enjeux d’inégalités sociales qui peuvent limiter l’accès des populations desservies aux services d’orientation. Outre ces enjeux, les c.o. dénoncent l’influence néfaste de certaines conditions systémiques (ex. : organisation du travail, accès restreint aux ressources financières ou organisationnelles) sur leur prestation de service auprès des populations qu’ils desservent ainsi que sur la représentation que le public a de leur profession. N’ayant ni le mandat ni l’expertise qui lui permettrait de donner suite à ces doléances, l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) s’est associé à trois personnes professeures (Pr. Eddy Supeno, Pr. Patricia Dionne de l’Université de Sherbrooke et Pr. Simon Viviers de l’Université Laval). Ce partenariat, innovant sur ces thématiques dans le champ de l’orientation au Québec, rapproche la recherche et la pratique afin de donner suite aux enjeux soulevés par les c.o. et dont les retombées pourraient potentiellement exercer une influence à plus long terme tant sur les populations desservies que sur la profession de c.o. Au final, l’idée de formaliser une potentielle compétence d’advocacie spécifique à la profession de c.o. dans le Profil de compétences générales de l’OCCOQ a émergé. En effet, une telle compétence générale d’advocacie, par les balises formelles qu’elle offrirait aux c.o. en matière notamment de soutien au développement du pouvoir d’agir des populations desservies et de sensibilisation des c.o. aux enjeux de discrimination et d’inégalités, s’inscrirait en toute cohérence avec le mandat de protection du public dévolu à l’OCCOQ à titre d’ordre professionnel.

Concrètement, l’advocacie peut être défini comme une action posée par une personne intervenante qui a pour but de lever les barrières entravant l’accès à des services de qualité et le bien-être des populations desservies. Elle se décline en deux formes, soit l’advocacie dite sociale et l’advocacie dite professionnelle. L’advocacie sociale consiste en des actions faites avec ou au nom des populations desservies tandis que la seconde forme, l’advocacie professionnelle, se fait envers son propre groupe professionnel. Dans les deux cas, l’objectif demeure le même : soutenir le bien-être des populations desservies en agissant sur les obstacles entravant leur accès à des services de qualité.

Cette recherche a obtenu un financement du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) afin de répondre à trois objectifs spécifiques soit de 1- Produire une synthèse des pratiques et des compétences d’advocacie chez les groupes professionnels apparentés à celui des c.o. 2- Dresser un portrait des activités, pratiques et situations actuelles en advocacie de c.o. québécois. 3- Identifier les composantes d’une compétence générale d’advocacie. La recension des écrits en réponse au premier objectif spécifique a permis d’identifier un manque d’information et de connaissances quant à la profession de c.o. dans le contexte particulier que représente le Québec (ex. : actes réservés, ordre d’enseignement unique au Québec) et justifiant la réalisation d’une recherche spécifique sur la thématique de l’advocacie.

Dans le but de documenter les enjeux et les stratégies d’advocacie au sein des membres de l’OCCOQ et de fournir une base empirique nécessaire pour soutenir l’élaboration d’une potentielle compétence générale d’advocacie, l’équipe de recherche a recruté un échantillon de convenance de 33 c.o. du Québec (22 femmes et 11 hommes). Les personnes participantes ont été réparties en cinq groupes de discussion représentant les principaux secteurs de pratique (huit en Éducation, sept en Employabilité, huit en Organisationnel et Pratique privée, cinq en Santé et Services sociaux ainsi qu’un groupe « Tous secteurs » avec cinq c.o.). Des entrevues individuelles ont également été menées avec 12 personnes occupant une fonction de représentation dans le champ de l’orientation au Québec au sein notamment d’associations professionnelles ou de l’OCCOQ pour offrir une perspective complémentaire aux groupes de discussion. Ces entretiens de groupe et individuels ont été enregistrés audionumériquement afin d’être transcrits pour une analyse thématique dans le but de documenter et identifier les enjeux et stratégies d’advocacie sociale et professionnelle.

À ce jour, les premiers résultats de la recherche ont fait l’objet de deux articles professionnels parus dans la revue Orientation de l’OCCOQ (janvier et août 2020) et un troisième a été soumis pour l’édition de janvier 2022. Ils ont aussi donné lieu à une communication en juin 2021 au congrès de l’OCCOQ et une seconde est prévue lors du congrès Cannexus du CERIC en janvier 2022. Cette activité de diffusion soutenue vers les milieux de pratique des résultats de la recherche au fur et à mesure de sa progression est une des caractéristiques de ce partenariat. En effet, elle témoigne de la préoccupation, tant de l’équipe de recherche que de l’OCCOQ, d’alimenter la réflexion et les actions des milieux de pratique en orientation confrontés quotidiennement à des enjeux d’advocacie. Parmi les constats soulevés dans ces communications écrites et orales, on note la relation étroite entre les enjeux d’advocacie sociale et professionnelle documentés et les stratégies identifiées pour atténuer différentes barrières (ex. : adapter ses interventions pour s’ajuster à des services jugés inadaptés, promouvoir la profession pour contrer le manque de reconnaissance). Il apparaît aussi que les habiletés relationnelles acquises en formation initiale et mobilisées par les personnes participantes dans leur pratique professionnelle comme l’écoute, l’empathie, le dialogue et la création de liens, peuvent être réinvesties à des fins d’advocacie sociale et professionnelle. Ainsi, sans pouvoir s’appuyer sur une compétence générale d’advocacie formalisée ou sur une formation formelle à ce sujet, ces c.o. du Québec semblent cependant disposer d’une certaine connaissance et mobilisent certaines habiletés associées à l’advocacie dans leur pratique professionnelle.

Maintenant que les enjeux et les stratégies d’advocacie sociale et professionnelle ont été documentés, il reste encore des éléments à définir, notamment la forme précise que pourrait prendre cette compétence d’advocacie, son intégration à la pratique professionnelle des c.o. et le rôle que devrait tenir l’OCCOQ auprès de ses membres pour les soutenir dans l’appropriation de cette compétence. Ces éléments devraient prochainement faire l’objet de nouvelles communications orales et écrites.

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Texte original sur Career guidance for social justice